Aujourd’hui, plusieurs constructeurs automobiles et sociétés énergétiques investissent dans la recherche et le développement de véhicules fonctionnant à l’hydrogène, et plusieurs modèles de voitures et de motos utilisent déjà l’hydrogène dans des piles à combustible et des moteurs à combustion. Les stations de ravitaillement en hydrogène, ou hydrogénérateurs, sont également de plus en plus répandues en Espagne et dans le reste du monde. Mais peu de gens savent que le pionnier de cet essor des possibilités d’utilisation de cet élément est un inventeur espagnol, Arturo Estévez Varela, créateur d’une moto pouvant être ravitaillée avec une bouteille d’eau.
Avec quatre litres d’eau, 900 kilomètres
Arturo Estévez Varela était un expert industriel d’Estrémadure, né à Valle de la Serena en 1914, qui a breveté plusieurs inventions, bien que l’on se souvienne surtout de son moteur à eau. À l’époque, il a créé l’illusion que la fin des combustibles fossiles était arrivée et que l’Espagne serait à l’avant-garde des nouvelles technologies.
Pour promouvoir son invention, Estévez Varela a eu recours à une vieille pratique de marketing : aller de ville en ville avec sa moto et faire des démonstrations dans des lieux publics. Notre inventeur arrivait sur une place, remplissait un récipient d’eau, en buvait une partie, versait le reste dans le réservoir de la moto, puis partait en balade pour démontrer la viabilité du moteur à eau. Il n’est donc pas surprenant que l’invention ait d’abord attiré l’attention de la presse, puis du gouvernement espagnol, qui a demandé à l’École d’ingénieurs un rapport technique sur ce moteur.
Estévez Varela affirme que son moteur peut atteindre une autonomie de 900 kilomètres avec seulement 4 litres d’eau. Le moteur utilise de l’eau et un additif dont l’inventeur a gardé le secret, bien qu’en 1971 il ait fait don du brevet au gouvernement espagnol pour qu’il puisse être commercialisé.
Pourquoi, bien qu’il ait fonctionné, s’agit-il d’une fraude ?
Il s’agit d’un geste louable, mais aussi d’un geste vide, si l’on tient compte des conclusions de la commission de techniciens et d’ingénieurs qui a étudié le moteur à eau d’Estévez Varela. Pour cette commission, le moteur était une fraude, sans aucune possibilité théorique (il allait à l’encontre des principes de la première et de la deuxième loi de la thermodynamique), et ils l’ont expliqué très simplement.
Pour les membres de la commission, l’invention d’Estévez Varela est un moteur à hydrogène, qui fonctionne grâce à la réaction produite par la combinaison de l’eau et du bore. Le mélange de l’eau et du bore libère de l’hydrogène, ce qui produit des températures élevées et crée de l’énergie pour faire fonctionner un moteur.
Vu sous cet angle, le moteur fonctionnait, mais il n’était ni pratique ni fonctionnel, et il était loin de tenir la promesse de 900 kilomètres d’autonomie. Pourquoi n’était-il pas pratique ? Parce que, comme le souligne un article du site The Lie Is Out There : “45 litres d’eau et 19 kg de bore sont nécessaires pour produire 5 kg d’hydrogène, ce qui donnerait une autonomie similaire à celle d’un réservoir de 40 litres d’essence ou de diesel”. L’un des inconvénients est d’ailleurs que le bore est très cher.
Estévez Varela retire la donation du brevet à l’Etat espagnol et vend la moitié de ses droits à un industriel, José Carrera Rey, qui finit par le poursuivre pour rupture de contrat : il n’a jamais livré le moteur de voiture à hydrogène qu’il avait proposé.