L’Europe centrale et orientale face à un choix : l’innovation, clé d’un nouveau modèle de croissance

Les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), membres de l’Union européenne, sont à un tournant décisif de leur développement économique. Depuis leur adhésion à l’UE, ils ont bénéficié d’une croissance significative, en grande partie due aux investissements étrangers et aux financements européens. Toutefois, ce modèle de croissance, basé sur la main-d’œuvre bon marché et la dépendance aux industries manufacturières, montre ses limites à l’heure où les économies européennes et mondiales évoluent vers des modèles plus technologiques et durables. Pour ces pays, le défi est clair : se tourner vers l’innovation pour construire un nouveau modèle de croissance adapté aux défis du XXIe siècle.

La fin d’un modèle basé sur la main-d’œuvre bon marché

Pendant des années, les pays d’Europe centrale et orientale ont tiré profit de leur main-d’œuvre à moindre coût pour attirer des investissements étrangers et stimuler la croissance. Des entreprises multinationales, notamment dans le secteur automobile, ont établi des usines dans ces régions pour profiter de coûts de production plus bas. Cependant, cette stratégie économique semble arriver à saturation. Le coût de la main-d’œuvre dans ces pays a considérablement augmenté au fil des ans, et les avantages comparatifs sont en déclin. « Le modèle économique des PECO est basé sur une course vers le bas en termes de coûts. Ce modèle n’est pas soutenable à long terme », explique Zsolt Darvas, économiste au think tank Bruegel.

Points clés :

• Le coût de la main-d’œuvre a considérablement augmenté.
• Les industries manufacturières ne suffisent plus à soutenir la croissance.
• Il est nécessaire de diversifier les économies vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée.

L’innovation comme levier pour une croissance durable

Face à ce constat, l’innovation apparaît comme la clé pour relancer la croissance. Les PECO doivent investir dans des industries de haute technologie et des infrastructures innovantes pour attirer de nouveaux investissements et développer leurs propres entreprises. Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) en est un exemple prometteur. La Pologne, par exemple, est devenue un centre technologique en Europe, avec des entreprises locales et internationales profitant de la main-d’œuvre qualifiée du pays.

Selon Eurostat, les dépenses en recherche et développement (R&D) dans ces pays sont encore faibles comparées à la moyenne européenne, mais elles augmentent progressivement. L’Europe de l’Est a un grand potentiel inexploité en termes de talents et de ressources pour devenir un moteur d’innovation. László Andor, ancien commissaire européen à l’emploi, déclare : « Les PECO doivent saisir cette opportunité pour devenir des leaders dans des secteurs tels que l’intelligence artificielle, la robotique et l’Internet des objets.

Points clés :

• Investir dans les secteurs technologiques à forte valeur ajoutée.
• Encourager la recherche et développement pour stimuler l’innovation.
• Former et retenir les talents locaux pour créer une économie basée sur les compétences.

Le rôle des fonds européens dans la transition

L’Union européenne a un rôle crucial à jouer dans cette transformation. Grâce à des fonds tels que le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds pour une transition juste, les PECO ont accès à des financements pour moderniser leurs infrastructures et favoriser l’innovation. La Hongrie, par exemple, a bénéficié de ces fonds pour construire des parcs technologiques et développer des hubs de start-ups. Cependant, l’utilisation de ces fonds nécessite une planification stratégique. Le Conseil européen insiste sur le fait que ces pays doivent renforcer leurs capacités institutionnelles pour utiliser les fonds de manière efficace et maximiser leur impact sur la croissance.

Selon une étude de McKinsey, un meilleur usage des fonds européens pourrait permettre à ces pays d’augmenter leur PIB de 3 à 4 % d’ici 2030. Pour cela, les gouvernements doivent développer des partenariats public-privé et faciliter l’accès des entreprises aux financements.

Points clés :

• Les fonds européens sont essentiels pour financer l’innovation.
• Une meilleure gestion des fonds pourrait accélérer la transformation économique.
• Le renforcement des institutions locales est nécessaire pour maximiser les impacts.

Le défi des infrastructures et de la connectivité

Une autre priorité pour les PECO est l’amélioration de leurs infrastructures. Malgré les progrès réalisés, certains pays souffrent encore de lacunes en matière de connectivité, notamment dans les zones rurales. Le développement des réseaux 5G et des smart cities est crucial pour soutenir la transformation numérique des économies de la région. « Les infrastructures numériques sont le fondement de la compétitivité future. Sans elles, aucune innovation ne peut prospérer », avertit Marek Belka, ancien président de la Banque centrale de Pologne.

La Slovaquie, par exemple, a lancé un vaste plan de développement pour moderniser ses infrastructures numériques. En investissant dans la 5G, le pays espère devenir un leader dans les nouvelles technologies et attirer des entreprises innovantes. Cependant, des investissements massifs sont encore nécessaires dans toute la région pour rattraper le retard accumulé face aux pays d’Europe occidentale.

Points clés :

• Les infrastructures numériques sont vitales pour le futur économique des PECO.
• La 5G et les smart cities sont des domaines prioritaires pour attirer les entreprises innovantes.
• Des investissements massifs sont encore nécessaires pour moderniser les infrastructures.

La fuite des cerveaux : un obstacle à surmonter

Malgré ces opportunités, un des plus grands défis auxquels les PECO doivent faire face est la fuite des cerveaux. De nombreux jeunes diplômés talentueux quittent la région pour travailler en Europe occidentale ou aux États-Unis, où les salaires et les opportunités sont plus attractifs. Selon l’OCDE, la Roumanie et la Bulgarie sont parmi les pays les plus touchés par ce phénomène. Si les gouvernements ne parviennent pas à freiner cette tendance, les efforts pour stimuler l’innovation risquent de ne pas porter leurs fruits.

Pour Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne, « il est essentiel de créer un environnement propice à l’innovation, non seulement pour attirer les talents étrangers, mais aussi pour encourager les jeunes à rester et à contribuer à l’économie locale. » Cela passe par des réformes éducatives, des incitations fiscales pour les entreprises innovantes et une meilleure qualité de vie pour les citoyens.

Points clés :

• La fuite des cerveaux est un défi majeur pour les PECO.
• Des réformes éducatives et fiscales sont nécessaires pour attirer et retenir les talents.
• Les gouvernements doivent investir dans l’amélioration de la qualité de vie pour encourager les jeunes à rester.

Conclusion

L’innovation est désormais le levier principal de la croissance économique pour les pays d’Europe centrale et orientale. Le modèle économique basé sur une main-d’œuvre bon marché a atteint ses limites, et ces nations doivent se tourner vers des secteurs à haute valeur ajoutée pour garantir leur développement futur. Les fonds européens, les infrastructures numériques et la gestion des talents seront des éléments cruciaux pour réussir cette transformation. Si les PECO parviennent à relever ces défis, elles pourraient devenir des leaders de l’innovation en Europe, tout en assurant une croissance durable pour leurs populations.

Sources

• Emerging Europe: “CEE’s EU members need innovation for a new growth model”
• Eurostat
• OCDE
• McKinsey